Coup de pouce pour Rizibizi

La semaine dernière, le collectif Iles (Initiative locale écocitoyenne et solidaire) du mouvement Haute Gironde en transition s’est réuni à château Robillard, à Saint-André-de-Cubzac afin de faire le point après six mois de débats et de propositions. Le groupe, qui est né suite à la diffusion du film écologique « Demain ! », veut lancer des actions collectives permettant de faire face aux défis alimentaires et énergétiques à venir. D’où une « transition » nécessaire pour faire face au dérèglement climatique et à l’épuisement des énergies fossiles.
Quatre sous-groupes cubzaguais s’attellent à cette tâche : l’équipe communication coordination ; l’équipe agriculture responsable et solidaire ; l’équipe récupération (lutte contre les déchets) ; et l’équipe monnaie locale.
Ce dernier groupe est celui qui a le projet le plus avancé. Un Système d’échange local (SEL) devrait se mettre en place courant janvier 2017. Le SEL rassemble, au sein d’une association ou d’un réseau, des personnes qui échangent entre elles des biens et des services, sans utiliser d’argent via du troc ou en recourant à une Monnaie d’intérêt local (Miel) valable dans une zone délimitée comme il en existe déjà à Libourne. Le concept est de privilégier les productions et commercialisations des alentours, par exemple le Cubzaguais. Un catalogue d’offres et de demandes va prochainement être créé et des permanences d’informations seront proposées une fois par mois dans une salle au sein du local de l’association Le temps des familles.
Pour sa part, l’équipe communication a déjà créé une page Facebook et une adresse mail permettant aux gens intéressés par le mouvement de demander des renseignements ou de savoir ce que fait le groupe. Elle travaille à la mise en place d’une journée sur les initiatives locales, en partenariat avec le Smicval (Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation) de Saint-Denis-de-Pile, au moment de la semaine du développement durable au mois de mai 2017.
Un jardin « modèle »
L’équipe « agriculture responsable et solidaire » travaille autour de plusieurs axes : tout d’abord rejoindre les initiatives existantes comme les SemiSolidaires puis faire un jardin « modèle » avec différentes techniques culturales (sans pesticides, sans engrais, en hauteur, en carré…) et enfin participer à des manifestations comme les Floralies afin de partager et de donner de la visibilité aux actions entreprises.
Le groupe « récupération » étudie toujours le projet de « repair café » sur le long terme et propose également d’installer d’autres Boîte à livres sur la commune, en accord avec la municipalité, en utilisant des objets à rénover.
Après avoir fait le point des actions en cours, le groupe a discuté de la nécessité de structurer le collectif afin de pouvoir se présenter aux personnes extérieures, ou de communiquer auprès de partenaires potentiels.
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Cher(e)s ami(e)s et partenaires de La MIEL,
Après 4 années de fonctionnement de La MIEL, il est utile de faire un point d’étape de notre Monnaie d’Intérêt Economique Local.
500 adhérents (pas tous à jour) et près de 130 prestataires sur 4 secteurs – Libournais, Entre 2 Mers, Sud-Gironde et Bordelais, 55.000MIELs en circulation et, vu la rapidité de circulation d’une monnaie locale, potentiellement 550.000 € passant de main en main sur notre territoire.
La MIEL se développe régulièrement et raisonnablement.
Newsletter et autres outils internet
Le silence de notre part (relatif) sur vos messageries n’est du qu’à un manque de temps de nos bénévoles pour vous informer plus régulièrement de tous les chantiers en cours, et il y en a, vous allez le voir ci-dessous.
Nous sommes en train de répondre à ce souci de communication avec la newsletter de La MIEL que nous sommes en train de mettre en place.
Dominique et Nicolas se sont proposés pour alimenter cette lettre d’information.
Vous pouvez déjà vous y inscrire sur le site internet de La MIEL (www.lamiel.net)
N’oubliez pas la page Facebook de La MIEL (qui compte déjà un millier d’abonnés) et dont le lien est également sur le site.De même sur le site vous accédez par un bouton à la carte interactive de tous nos partenaires : http://164.132.231.59/
prestamiel/
et à l’adhésion en ligne : https://www.helloasso.com/associations/trans-lib/ adhesions/adhesions-re- adhesions-2016
20/12/16 à 12:54 – Mise à jour à 12:54
Le nombre d’initiatives de transition a doublé en 2016, en Belgique francophone. Alors que la Région wallonne et Bruxelles n’en comptaient que 42 en février dernier, les deux Régions en totalisent désormais 84.
Le film Demain, sorti en salles en novembre 2015 et qui a dépassé le million d’entrées en France et en Belgique (César 2016 du meilleur documentaire), semble bel et bien y être pour beaucoup : il recense des initiatives en transition dans dix pays à travers le monde, montrant que des solutions, concrètes, existent face aux problèmes environnementaux et sociaux actuels.
Les initiatives de transition sont des projets solidaires et concrets qui permettent à des citoyens de changer positivement leur lieu de vie, avec un réel souci de préservation de la planète, rappelle le Réseau Transition. On y trouve des potagers collectifs, des Repair Cafés, des coopératives de production d’énergie, etc. Autre caractéristique de ces initiatives: elles naissent des citoyens eux-mêmes et non des divers pouvoirs en place. Le mouvement mondial de la transition est né dans la petite ville de Totnes, au Royaume-Uni, en septembre 2006, sous l’impulsion de Rob Hopkins. On compte actuellement plus de 4000 initiatives de transition à travers le monde.
Réagissez, donnez nous votre avis, ou donnez nous vos coordonnées pour vous ajouter sur la liste de diffusion:
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Un peu partout, de nouveaux projets locaux sont menés par des citoyens qui veulent réinventer et construire la société de demain. Cette dynamique a été particulièrement mise en avant par des films comme « Demain » ou « En quête de Sens », films qui ont à leur tour motivé des citoyens à faire le pas et se lancer dans l’aventure.
Une partie de ces nouvelles initiatives citoyennes se réclame du mouvement de la Transition, un mouvement lancé en 2006 en Grande-Bretagne, à l’initiative de Rob Hopkins (un formateur en permaculture). Le projet connait alors un grand succès et le mouvement se répand rapidement dans le monde.
« Aujourd’hui, il existe plus de 3000 initiatives de Transition dans 50 pays. »
C’est un mouvement qui part de la base, une sorte de laboratoire d’initiatives citoyennes qui, connectées en réseau, s’inspirent mutuellement. En Belgique, ce sont plus de 100 initiatives de Transition qui ont émergé. Elles se développent de manière virale (en Wallonie et à Bruxelles, le nombre d’initiatives a crû de 40% durant les 4 premiers mois de 2016) et sont dynamisées par des citoyens qui ont décidé d’apporter, à leur échelle, des réponses aux défis de notre temps.
Les « transitionneurs » mettent en place des projets citoyens concrets, locaux et conviviaux pour recréer des territoires plus solidaires et qui prennent soin de l’environnement sans attendre que l’initiative vienne d’en haut. Au menu de leur projets: marchés gratuits, Repair Cafés, monnaies locales, coopératives économiques et énergétiques locales, marchés fermiers, groupes d’achats communs, Incroyables Comestibles, développement du bien-être et de la résilience du groupe, etc.
Une particularité de la Transition est qu’elle s’enracine dans le soin de soi. Ce travail intérieur prend tout son sens dans notre société menacée d’épuisement. Dans la Transition, la recherche d’équilibre entre le faire et l’être ou encore l’agir et le ressentir se retrouve souvent au niveau individuel, mais également au niveau des groupes locaux de transition qui questionnent régulièrement la portée et la pertinence de leurs actions.
En 2012 le Réseau Transition à été crée afin de faciliter les échanges entre initiatives, diffuser les idées de la Transition de manière plus large, et soutenir le développement des compétences des « transitionneurs ». Alors que notre société fait face à des crises profondes, le mouvement de la Transition propose une voie créative et enthousiaste, pour se réapproprier collectivement notre destin. Alors, tenté-e par l’aventure ?
François-Olivier Devaux (Réseau Transition)
Plus d’infos : www.reseautransition.be
ATELIER SUR LES VILLES EN TRANSITION
ENA 13 08 2011
Organisé par la commission Alternatives d’Attac France : Gilles Sabatier, Etienne Lecomte et Colette Boudou, en collaboration avec Armin et Hannes, de Fribourg en transition.
Une soixantaine de personnes étaient présentes, beaucoup de français, mais aussi des allemands ainsi que quelques suisses et belges. Nous avons commencé l’atelier par une petite présentation générale de chacun: d’où nous venons? (en nous déplaçant en fonction de notre localisation), participons-nous déjà à une initiative de ville en transition? Etc.
Introduction sur les villes en transition:
Les initiatives mises en œuvre dans les villes en transition sont souvent déjà connues, mais l’intérêt du mouvement des villes en transition est de les mettre ensemble. Pourquoi est-ce que ça marche? : Les intuitions fortes de ce mouvement:
Situations nationales
Carte des différentes villes en transition officielles et déclarées en France, en Allemagne et en Autriche, et dans le monde
Cart game
Nous nous divisons en 4 groupes, en fonction de la langue utilisée, afin d’échanger sur les différentes initiatives de villes en transition en cours, en évaluant où en est l’initiative par rapport à la liste des « ingrédients » présentée dans le livre « Transition compagnon ». Puis elles sont présentées en grand groupe.
Débat sur les relations avec les élus.
Débat sur les rapports avec Attac.
Si le mouvement de transition est stratégique pour le futur, Attac doit favoriser son développement, en le faisant connaître en tant qu’association d’éducation populaire. Les comités locaux peuvent projeter des films et permettre d’échanger de bonnes informations sur les différentes initiatives. Ils peuvent aussi organiser des forums des alternatives locales.
http://www.rue89.com/
rue89.com, Cécile Cailliez le 30 novembre 2010
Les « villes en transition » imaginent la cité de l’après-pétrole, moins dépendante de l’or noir. Une initiative citoyenne d’origine anglo-saxonne qui essaime désormais en France.
Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) l’a prouvé récemment : les ressources de pétrole s’épuisent indéniablement.
Pire, selon l’AIE, le pic pétrolier, cette phase où la production de pétrole conventionnel sera en déclin par rapport à la demande, serait désormais atteint.
Si l’Agence rassure en tablant sur la découverte et la mise en production de nouveaux champs, le constat est là : il faut dès à présent penser la ville de demain, moins dépendante de l’or noir.
Mais comment envisager l’après-pétrole sans tomber dans le catastrophisme ? Les partis politiques écologiques ont du mal à mobiliser et tous les citoyens ne se reconnaissent pas dans les mouvements associatifs ou décroissants.
La solution : susciter au sein de la communauté un mouvement de réflexion et d’action, s’appuyer sur les ressources et les compétences locales, afin de mettre en place et de diffuser au niveau local les bonnes pratiques.
En 2006, à Totnes, une bourgade de 8 000 habitants, Rob Hopkins enseigne la permaculture, une philosophie du développement durable par l’aménagement du territoire et le renforcement de la communauté.
Convaincu de la réalité du pic pétrolier, il tente alors un pari fou : miser sur la participation des habitants pour favoriser la « transition » en douceur de sa ville à l’horizon 2030.
Ainsi naît le mouvement des « villes en transition », qui se fonde avant tout sur la notion de résilience, c’est-à-dire notre capacité, malgré les difficultés, à nous adapter aux changements à venir.
Pour mettre en œuvre le processus, ses initiateurs à Totnes ont rédigé un processus en douze points.
« Militants associatifs, citoyens, élus, représentants de l’agenda 21, tout le monde est bienvenu », insiste Leigh Barret, du groupe Saint-Quentin en transition.
Un aspect inclusif et participatif qui séduit bien au-delà des cercles écologiques habituels.
Autre étape primordiale, l’élaboration de groupes de travail thématiques : transports, énergie, alimentation. L’idée étant, si possible, de s’appuyer sur les initiatives existantes, de mieux les coordonner et de les développer.
« Ce questionnement concret, pragmatique, est l’un des principaux intérêts de la transition », constate Pierre Bertrand, fondateur de Trièves en transition en 2007. « Si on veut développer les énergies renouvelables, le premier réflexe est de savoir où on va pouvoir installer des panneaux solaires dans le village et si cela est réellement faisable. »
Exemples :
En France, une quinzaine de groupes de transition ont vu le jour. « Mais nous n’en sommes réellement qu’à la phase de sensibilisation des habitants à la réalité du pic pétrolier », tempère Pierre Bertrand.
Les résultats de la transition sont beaucoup plus visibles hors de l’Hexagone. Totnes compte aujourd’hui une quarantaine de projets : dont la création d’une monnaie locale, le Totnes Pound, permettant de faire ses emplettes chez les commerçants de la ville ; ou l’édition d’un guide de la consommation locale.
Plus d’un tiers des 8 000 habitants participe de manière plus ou moins active au mouvement.
« Mais attention, la transition est jeune et Totnes n’est toujours pas une ville totalement écolo, sans voiture ni pétrole, temporise Luc Semal, chercheur et spécialiste de la transition.
La vraie réussite d’Hopkins est en fait d’avoir développé un niveau intermédiaire de l’action citoyenne, plus élaborée que les éco-gestes individuels ».
Dans le monde, on recense près de 650 initiatives.
La première chose à faire est alors de consulter le « Guide des initiatives de transition » (lien expiré) ou de vous procurer le « Manuel de transition » de Rob Hopkins, récemment traduit en français et co-édité par Silence et Ecosociété.
A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89
Ailleurs sur le Web
Le site français des territoires en transition
Les villes en transition sur Wikipédia
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En 1990, Rob Hopkins avait visité la vallée des Hunzas dans le nord du Pakistan, qui avait été presque entièrement coupée du monde extérieur jusqu’à l’ouverture de l’autoroute du Karakoram en 1978 : « J’avais affaire à une société qui vivait à l’intérieur de ses limites et qui avait développé des moyens d’un raffinement effarant pour y parvenir. Tous les déchets, y compris les excréments humains, étaient soigneusement compostés et retournaient à la terre. Les terrasses construites sur les flancs des montagnes étaient irriguées avec une précision stupéfiante par un réseau de canaux. Il y avait des abricotiers partout, de même que des cerisiers, des pommiers et d’autres arbres fruitiers. Des pommes de terre, de l’orge, du blé et d’autres légumes poussaient sous ces arbres et autour. Les gens avaient l’air de toujours avoir le temps de s’arrêter et passer du temps avec les enfants qui couraient pieds nus à travers champs. Hunza est tout simplement l’endroit le plus beau, le plus tranquille, le plus heureux et béni d’abondance que j’aie jamais visité, auparavant et depuis lors. » Il s’agissait d’un territoire de résilience, une aptitude à fonctionner indéfiniment à l’intérieur de ses limites, et de prospérer pour avoir su y parvenir.
En 2003, Rob enseignait à Kinsale en Irlande quand il entendit parler du pic du pétrole directement par le plus grand expert mondial sur le sujet, le géologue pétrolier Colin Campbell. Après avoir partagé cette information avec ses étudiants, Rob travailla avec eux pour créer le Plan de descente énergétique de Kinsale, qui fut par la suite adopté comme principe d’action par le conseil municipal. Comprendre que les problèmes de pic pétrolier et de réchauffement climatique résulte d’une multitude d’actions individuelles implique d’en assumer la responsabilité. Revenu en Grande-Bretagne, Rob lance le Transition Town dans la ville de Totnes au début de 2006. Cette initiative se répandit d’un bout à l’autre du Royaume-Uni. Voici quelques extraits recomposés de son livre.
Il s’agit de considérer le talon d’Achille de la mondialisation, son extrême dépendance à l’égard du pétrole. La transition vers une organisation plus locale de la vie n’est pas une affaire de choix, c’est la direction dans laquelle l’humanité ne peut faire autrement que de s’engager. Rebâtir une agriculture et une production alimentaire locales, localiser la production énergétique, repenser les soins de santé, redécouvrir les matériaux de construction locaux, repenser la manière dont nous gérons les ordures : tout cela développe la résilience. Bien sûr, les initiatives locales ne sont pas l’unique réponse au pic pétrolier et au changement climatique ; toute réponse cohérente nécessitera également des réponses du gouvernement et du monde des affaires à tous les niveaux.
Changement climatique et pic pétrolier sont les jumeaux de l’hydrocarbure. Ces deux questions sont tellement interreliées que si on les considère isolément, une grande partie du problème nous échappe. Sans pétrole à bon marché, vous ne seriez pas en train de lire ces lignes en ce moment. Quand vous vous mettez vraiment à y penser, ce n’est pas seulement ce livre qui n’existerait pas. La plupart des choses qui vous entourent dépendent du pétrole à bon marché pour leur fabrication et leur transport. Ce n’est pas pour rien qu’on parle des carburants fossiles comme d’une très vieille lumière solaire ; ils ont une incroyable densité énergétique. Comme la potion magique d’Astérix, le pétrole nous rend plus forts, plus productifs et plus rapides que nous l’avons jamais été. On estime que 40 litres d’essence contiennent l’équivalent énergétique de 4 ans de labeur manuel humain. Nous pouvons appeler « Intervalle du pétrole » le bref interlude de 200 ans où nous aurons extrait du sol la totalité de cette extraordinaire substance et l’aurons brûlée.
Le climat planétaire est nettement en train de se réchauffer ; il n’est plus permis d’en douter. Jusqu’où est-il réaliste de permettre à la température de monter ? La réponse est qu’idéalement, nous devrions mettre un terme à toutes nos émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui même, mais ce n’est manifestement pas ce qui va se passer. George Monbiot a déclaré en 2007 : « Réduire les émissions de 90 % ne suffit plus, il s’agirait de 110-120 % de réduction, c’est-à-dire de capter davantage de gaz carbonique que nous en produisons. » Il serait simpliste d’affirmer que le pic pétrolier signifie que le changement climatique va devenir contrôlable parce que nous arrivons à court de carburants liquides à un prix abordable ; la situation est beaucoup plus complexe. Le recours à d’autres carburants, tous pires que le pétrole pour leurs effets sur le climat, est dangereux. Pourtant l’objectif implicite du rapport Hirsch sur le pic pétrolier est de faire en sorte qu’on puisse continuer à faire des affaires comme si de rien n’était aussi longtemps que possible et par tous les moyens, y compris l’emploi du charbon pour produire des carburants liquides. Il n’y a pas la moindre trace de préoccupation quant au changement climatique dans ce rapport.
Le changement climatique nous dit que nous devrions changer, tandis que le pic pétrolier nous dit que nous allons être forcés de changer. Une technologie va nous sauver, une forme radicalement nouvelle de stockage du gaz carbonique, bon marché et efficace. Elle a pour nom : laisser les carburants fossiles sous la terre.
– Nous avons plus de diplômes mais moins de bon sens ; plus de connaissances mais moins de jugement; plus d’experts, mais de plus en plus de problèmes ; plus de médicaments mais moins de santé. Nous multiplions les appareils de communication, mais nous avons moins de communication réelle. C’est une époque où il y a beaucoup en vitrine, mais rien à l’intérieur.
– L’éducation est totalement inadéquate en regard de la Transition qui s’annonce. Les jeunes sortent de l’école sans être préparés à faire face aux besoins pratiques d’un monde beaucoup moins abondant en énergie. Ils ne savent rien en construction, en cuisine, en jardinage ou en réparation.
– Les systèmes de production locaux ont été systématiquement et inflexiblement dénigrés et sapés au cours des soixante dernières années. Pourtant tout au long de l’histoire, il a été plus sensé de produire localement tout ce qu’on pouvait et d’importer les biens de luxe et les quelques choses que l’on était incapable de produire soi-même.
– Les économies indigènes durables n’expédient pas leurs fruits et légumes par fret aérien. Quand une région se met à faire ça, il y a belle lurette que les fermiers indigènes sont partis, expulsés de la terre aux fins de l’agriculture intensive orientée vers l’exportation.
– Rien ne saurait garder 30 millions d’automobiles et un peu plus de 2 millions de camions sur les routes du Royaume-Uni ni, par extension, les 600 millions d’automobiles et plus dans le monde. Rien. Une dépendance complète à l’égard du transport routier et une distribution centralisée sont les talons d’Achille de la mondialisation économique.
– L’Allemagne a envoyé au Royaume-Uni 1,5 millions de kilos de pommes de terre et nous lui avons envoyé – oui – 1,5 millions de kilos de pommes de terre. Le Royaume-Uni a importé pour 310 millions de livres sterling de bière en 2004 et en a exporté 313 millions.
– Des substituts au pétrole conventionnel ? Les sables bitumineux, c’est un peu comme arriver au pub et s’apercevoir qu’il n’y a plus de bière ; seulement votre désir de prendre un verre est tellement impérieux que vous vous mettez à imaginer qu’au cours des trente ans que ce pub a été en affaires, l’équivalent de 5000 pintes ont été reversées sur le tapis ; aussi inventez-vous un procédé pour bouillir le tapis afin d’en extraire la bière. C’est là l’acte futile et désespéré d’un alcoolique incapable d’imaginer la vie sans l’objet de sa dépendance.
– On débat du fait qu’il resterait pour plusieurs centaines d’années de charbon dans le monde. Mais décider d’utiliser les réserves restantes, c’est essayer de prouver que les climatologues du monde entier se trompent. Il reste assez de charbon pour nous faire bouillir vivants dans notre propre climat.
– Ah, mais nous nous en sortirons, diront certains, grâce à l’hydrogène ! Ou à l’énergie nucléaire ou à l’énergie gratuite produite par des génératrices prélevées sur des ovnis ! L’inventeur est prêt à présenter son appareil en public mais une compagnie pétrolière en a racheté les droits. C’est là attendre après la potion magique.
– Les amateurs de conspirations croient fermement que ces crises sont orchestrées par les puissants de ce monde pour s’enrichir davantage. Internet regorge de demi-vérités et de vraies rumeurs susceptibles de nourrir les mécanismes de déni. Ce déni devient un problème puisqu’il nous empêche de regarder la réalité en face et d’agir. Rappelons que les groupes fascistes ont toujours, historiquement, profité des périodes d’effondrement et de difficultés économiques.
Historiquement, la croissance économique est très étroitement liée à un accroissement de la consommation d’énergie. Les modèles économiques qui ont si bien fonctionné pour gravir la montagne d’énergie fournie par les carburants fossiles se révéleront complètement inadéquats pour la descente de l’autre côté. Les mythes que nous entretenons sur notre grande richesse nous conduisent à croire qu’il suffit de dépenser assez d’argent pour que la crise financière se résorbe. Le plan de sauvetage des banques et de l’industrie automobile est le reflet de la croyance que les mêmes outils qui nous ont mis dans le pétrin pourront nous en sortir. Les Agenda 21 locaux étaient fondamentalement des processus du sommet vers la base qui faisaient semblant de ne pas l’être.
Les communautés sont les mieux à même de se pencher sur la façon dont la contraction économique se manifestera dans telle région, telle ville et tel village. Je serais d’avis qu’au lieu d’essayer de faire changer les gens en leur présentant des visions d’Effondrement, les scénarios d’Evolution pourraient fournir la vision d’un objectif final si séduisant que la société se découvrirait l’envie de s’engager dans une transition vers ceux-ci. Créer le monde que nous voulons est un mode d’action bien plus subtil et puissant que détruire celui dont nous ne voulons plus. Les Initiatives de Transition incluent des formations pratiques sur les savoir-faire qui serviront dans la société de l’après-pétrole.
Les Initiatives de Transition fonctionnent le mieux dans le contexte d’une combinaison de réponses partant à la fois d’en haut et de la base, puisque ni l’une ni l’autre ne peuvent faire face au défi isolément. Il semblerait que les gouvernements songent sérieusement à introduire un rationnement carbonique. Il ne s’agit pas de savoir si, mais bien quand le rationnement va commencer, et plus tôt nous commencerons, moins dur il sera. Toutefois, il est important de se souvenir que nous n’avons pas à attendre l’action des gouvernements. En fait, les réponses nationales et internationales ont toutes plus de chances d’être couronnées de succès dans un environnement où les réponses communautaires sont abondantes et dynamiques. De façon générale, les gouvernements n’ouvrent pas la voie, ils réagissent. Ils sont réactifs et non pas proactifs. Il faut cependant rappeler que nous pouvons faire énormément de choses sans le gouvernement, mais que nous pouvons aussi en faire considérablement plus avec lui.
Les Initiatives de Transition opèrent en douceur, sans faire de victimes ou se faire d’ennemis. C’est pourquoi elles ne soulèvent l’ire d’aucune institution. Elles présentent une action concertée et un but commun pour les groupes existants. La construction d’un réseau social est plus important que le nombre de personnes capables de dire qui est King Hubbert. Cela implique de tendre la main à des groupes qui sont habituellement ignorés par les écologistes, telles les Chambres de commerce ou les associations de défense du patrimoine. Il faut ratisser large.
Mais il y a une résistance massive à s’attaquer aux défis environnementaux, les sociétés industrialisées sont accros au pétrole. Modifier le comportement de dépendance envers le pétrole est difficile. Informer ne suffit pas. Sensibiliser le public est d’une importance cruciale, mais il suffit de regarder un paquet de cigarettes pour en voir les limites. Le parallèle est aussi frappant avec quelqu’un qui boit trop. On peut comprendre que son entourage le harcèle avec des critiques, mais celles-ci peuvent accroître la résistance au changement. Plutôt que chercher à convaincre, il s’agit d’abord d’offrir un lieu d’écoute. En fin de compte, il s’agit d’établir un PADE, plan d’action de descente énergétique. Ce PADE ne doit pas être coulé dans le béton, c’est plutôt une collection d’idées à retravailler et réviser régulièrement. En inscrivant la souplesse dans le processus, nous pouvons le rendre infiniment plus puissant et donner à la communauté un sentiment plus fort d’y être impliqué et d’en avoir la maîtrise.
A la lumière des changements d’envergure imminents, il est évident que l’idée de passer au travers en toute sécurité, en changeant seulement nos ampoules ou en baissant le thermostat de quelques degrés, est complètement dérisoire. L’une des causes de ce que l’on peut appeler le syndrome des ampoules électriques est que les gens ne peuvent souvent imaginer que deux niveaux d’intervention : des individus qui font des choses chez eux ou le gouvernement qui agit au niveau global. Le modèle de Transition explore le niveau intermédiaire : ce qui peut être accompli à l’échelle de la communauté. Ce qu’il faut, c’est une échelle à laquelle tout un chacun peut avoir l’impression de contrôler sa vie, une échelle à laquelle les individus deviennent des voisins plutôt que de simples connaissances ou des numéros. J’en suis venu à penser que le niveau idéal pour une Initiative de Transition est celui que vous sentez pouvoir influencer. Dans une ville de 5000 personnes, vous pouvez ressentir une appartenance, elle peut vous être familière. La plupart des villes étaient, historiquement, un assemblage de villages et cela est encore perceptible. L’idée de travailler à l’échelle du quartier n’est pas neuve.
– Quelques leçons de la descente énergétique vécue en Grande-Bretagne pendant la deuxième guerre mondiale : Les autorités locales créèrent des comités horticoles pour conseiller la population en terme de maraîchage, firent la promotion de la frugalité et organisèrent l’enseignement de compétences pratiques. En ce qui concerne les véhicules, le rationnement des carburants mis en vigueur en 1939 limitait la distance annuelle pour les usages non essentiels à environ 2900 km, limite qui fut ensuite graduellement réduite jusqu’à l’abolition des allocations individuelles en 1942. Entre 1939 et 1942, l’usage de la voiture a chuté de 95 %. Nous avons intérêt à apprendre de ceux qui peuvent se remémorer la période entre 1930 et 1960, avant le tout-pétrole. Il est plus facile ainsi de se représenter une vie avec moins de pétrole.
– Un tableau comparatif :
Ne contribue pas à la résilience | Contribue à la résilience |
Recyclage centralisé
Plantation d’arbres décoratifs Approvisionnement international en bio Transactions de crédits carbone Investissement éthique Achat de musique sur CD consommation |
Compostage local
Plantation d’arbres productifs Procédures d’achat local Investissements communautaires local Monnaie locales Chanter dans un cœur local réciprocité |
– Les terrains des écoles seront transformés en jardins intensifs. Le jardinage est intrinsèquement plus productif que l’agriculture parce qu’une plus grande attention y est concentrée sur une plus petite superficie. Les circuits courts seront mesurés en mètres plutôt qu’en kilomètres. La population prendra plaisir à l’élevage de poulets.
=> Nous apprenons à faire quelque chose en le faisant. Il n’y a pas d’autre façon.
La résilience est la capacité d’un système ou d’une commune à résister aux impacts de son environnement extérieur. Des indicateurs permettent de la mesurer :
– le pourcentage de nourriture produite localement
– le pourcentage de monnaie locale en circulation sur le total de la monnaie en circulation
– le nombre d’entreprises appartenant à des propriétaires locaux
– le trajet moyen domicile-travail des personnes habitant la ville mais travaillant ailleurs
– le pourcentage d’énergie produite localement
– le nombre de bâtiments construits en matières renouvelables
– la proportion de produits de base fabriqués au sein de la commune dans un rayon d’action donné
– la proportion de déchets compostables effectivement compostés
Certains indicateurs peuvent s’appliquer universellement, mais beaucoup d’autres seront spécifiques à votre situation et émergeront du processus du PADE.
Le pessimisme et l’optimisme sont tous deux des distractions qui nous éloignent d’une vie pleinement vécue.
Quand j’ai interrogé Dennis Meadows, un des coauteurs du livre The limits to growth, il m’a dit : « Songez à la quantité de changements qui se sont déroulés pendants les cent dernières années. Tous ces changements ne font pas le poids face à ce dont vous serez témoin au cours de vingt prochaines années. »
L’Initiative de Transition est un concept viral. Il a vocation à se propager…
(édition écosociété, 2010)
Peut-on sortir du productivisme ?
Projet n°324-325 | Acteurs du monde | Dossier | Chroniques | Recensions
Claire Wiliquet
Octobre 2011
Il y a aujourd’hui consensus parmi les analystes des réserves pétrolières : la production de pétrole atteindra très prochainement un pic, puis déclinera. Notre dépendance au pétrole est telle que la préparation à sa déplétion concerne tous les niveaux du monde social : il s’agit pour eux de construire leur résilience face au choc imminent d’une raréfaction des ressources pétrolières, afin que la transition d’une société très dépendante des énergies fossiles à une société où ces énergies sont rares se passe dans les meilleures conditions possibles, sans heurt et sans tension. C’est dans cette dynamique que s’inscrivent les villes en transition.
Mouvement de transition
Le mouvement des villes en transition est né en 2005 à Kinsale, en Irlande, à l’initiative de Rob Hopkins de l’Université de Kinsale. Aujourd’hui, des dizaines de projets sont en route un peu partout en Occident, dont une centaine sur le territoire britannique. En Belgique, c’est l’association les Amis de la terre qui, en 2007, a popularisé le concept. L’échelle des projets n’étant pas toujours celle de la commune, on parle aussi d’initiatives en transition. Un réseau s’est créé – Transition Network – chargé de soutenir les initiatives qui cherchent à se mettre en place.
Si l’objectif est de préparer une transition vers une économie moins dépendante du pétrole, le mouvement veut aussi prendre en compte la question du réchauffement climatique. Sinon, la recherche de solution pour l’un risquerait d’amener des externalités négatives pour l’autre. En palliant la diminution des réserves pétrolières par l’utilisation du charbon liquéfié, par exemple, on aurait recours à une ressource énergétique qui libère jusqu’à trois fois plus de CO2 que le pétrole. Ne se préoccuper inversement, que du réchauffement climatique, c’est s’enfoncer dans l’urgence : celle d’une diminution de l’offre de pétrole et d’une augmentation de son prix, qui risque fort de provoquer une récession économique. Celle-ci compromettrait les investissements dans la recherche et le développement des énergies alternatives. Face au double défi de la déplétion et du réchauffement, la solution passe par une réduction drastique de la consommation d’énergie. C’est en élaborant des plans de descente énergétique que les villes construisent leur résilience.
En choisissant la sobriété énergétique, les initiatives de transition s’inscrivent dans une optique de décroissance, mais non imposée de l’extérieur comme elle le serait dans la perspective d’une déplétion – la raréfaction et l’augmentation du prix du pétrole allant de pair avec une récession économique. L’objectif des initiatives de transition est de créer les conditions pour que récession et catastrophe sociale ne soient plus aussi étroitement liées. Réaliser un tel objectif suppose un véritable changement culturel, une refondation de nos modes de vie. Et, en particulier pour les villes, une relocalisation de l’économie et un renforcement des liens sociaux.
Vers une résilience
Dans son Manuel de transition [1], Hopkins dessine la figure d’une société plus résiliente. Au plan économique, il imagine des échanges plus locaux, le développement d’entreprises familiales, de monnaies locales. Pour l’alimentation, il s’agit de créer des exploitations plus petites et polyvalentes, avec un accroissement de la main-d’œuvre allouée à l’agriculture et le développement du jardinage urbain. L’approvisionnement alimentaire est une des clés de la transition : la sécurité alimentaire serait considérée comme une priorité nationale, ce qui implique de relocaliser les stocks alimentaires. En matière d’énergie, l’objectif est de réduire la consommation de 50 %, les 50 % restant étant fournis par des énergies renouvelables, produites localement. De même, Hopkins appelle au développement des transports en commun, de l’auto-partage et du vélo, au ralentissement du tourisme longue distance, à la réduction de l’étalement des villes. Enfin, il préconise l’augmentation de l’efficience énergétique des logements et le développement des habitats groupés.
Si la résilience se traduit par une relocalisation, elle ne signifie pas pour autant un refus des échanges ni la volonté d’un retour à l’autarcie, mais plutôt une remise au centre du local. Cette tendance s’oppose à la globalisation qui pousse à déterritorialiser les activités économiques sous prétexte d’avantages comparatifs. La relocalisation est plus rationnelle au niveau énergétique : les longs voyages énergivores sont évités au maximum et, au besoin, le bateau ou le train, moins consommateurs d’énergie, sont privilégiés. La relocalisation est également plus rationnelle au niveau social, car elle permet de redynamiser l’économie locale par la création d’emplois.
L’exemple d’Overtornea, petite ville suédoise de 6 000 habitants, est édifiant. Violemment atteinte par la crise de 1980, sa situation semblait sans issue : 20 % de la population active au chômage, 25 % partant pour les grands centres urbains… Les autorités ont tenté d’y remédier en adoptant un type de développement sur le modèle des villes en transition. Résultat : en six ans, près de 200 entreprises et quelques milliers d’emplois ont été créés dans l’agriculture biologique, l’éco-tourisme, l’apiculture, la pisciculture… La démarche d’Overtornea présente l’avantage d’un traitement cohérent, fondé sur une vision de long terme, des différents problèmes auxquelles la commune devait faire face. Cet exemple montre également qu’une requalification de la population est nécessaire : les citoyens doivent réapprendre à cultiver, être capables de réparer les objets…
Certaines initiatives de transition vont jusqu’à mettre en place une monnaie propre. La monnaie courante ne disparaît pas, mais les deux monnaies deviennent complémentaires. Le but est d’éviter que les richesses produites localement soient absorbées par l’économie globale. La monnaie locale permet de diminuer la dépendance au système financier pour amortir les chocs en cas de crise. Les entreprises locales peuvent payer une partie des salaires dans cette monnaie qui est acceptée par les commerces. Les producteurs et fournisseurs locaux qui y adhèrent sont privilégiés : cela redynamise l’économie locale.
Agir ensemble
Les réalisations les plus fréquentes des villes en transition touchent à l’agriculture et au jardinage. Or, si le raccourcissement des circuits de distribution permet d’absorber une hausse du prix du pétrole et d’assurer l’approvisionnement des villes, on peut douter que les potagers urbains suffisent à nourrir la population urbaine. Mais leur intérêt est ailleurs : ils permettent aux participants de jardiner ensemble, de créer des liens, d’échanger des savoirs, de s’entraider [2].
La tendance sociale va dans le sens d’une atomisation de l’individu, souvent enfermé dans le rôle de consommateur. Les réponses à des besoins essentiels, de sécurité, d’autonomie, de reconnaissance… sont cherchées aujourd’hui dans la consommation. Pourtant, la préparation à la déplétion du pétrole passe par sa réduction. Il faut donc trouver d’autres biais pour satisfaire nos besoins, et une voie alternative est offerte grâce à la création de solidarités. Les initiatives en transition participent au tissage de liens communautaires, les participants apprennent à compter les uns sur les autres plutôt que sur leur portefeuille. D’un système économique qui instrumentalise les rapports sociaux, on passe à un système économique où la relation devient centrale.
« Le corps et l’âme » [3]
S’impliquer dans une initiative de transition suppose d’être prêt à changer son mode de vie et de pensée, de prendre conscience qu’il a été façonné par une civilisation consommatrice d’énergie fossile, pour le remettre en question et éventuellement identifier les obstacles intérieurs au changement.
Ainsi, ne plus s’en remettre à de futures solutions technologiques pour pallier entièrement la pénurie énergétique. Cette perspective s’oppose à une foi dans le progrès très ancrée dans les sociétés industrielles. De même, privilégier la relocalisation va à l’encontre de nos conceptions d’un monde où la vitesse abolit les distances et le temps – engendrant une société de l’immédiat. La difficulté à anticiper n’est pas le propre des citoyens, elle concerne aussi les pouvoirs publics dont l’agenda politique est rythmé par les échéances électorales. Ces échéances paralysent la prise de mesures de long terme dont la mise en œuvre nécessiterait des sacrifices dans le présent. La gestion du marché du pétrole est aussi laissée à la main invisible : une entité désincarnée bien incapable d’anticipation.
La culture de consommation nous fait aussi confondre l’être et l’avoir. Mais à tous ces obstacles bien ancrés dans nos imaginaires, s’ajoute désormais un sentiment d’impuissance face à des centres de décision de plus en plus éloignés et mal identifiables. Dès lors, nous perdons nos capacités de rêver une organisation sociale différente et de nous battre pour l’obtenir.
Il est extrêmement difficile de nous défaire de nos réflexes de consommateurs pour expérimenter un mode de vie plus frugal, des modes de pensée moins structurés par la vitesse et le progrès, une conception de la richesse plus humaine qu’économique. Toutes les technologies auxquelles nous avons accès aujourd’hui sont la preuve de la créativité humaine et de sa capacité à réaliser ses rêves. Mais cette créativité peut être mise au service de la fondation d’une société alternative. Celle-ci suppose de reprendre un contrôle sur sa vie, sur son environnement, de ne plus être un consommateur passif, mais de redevenir acteur de sa vie. C’est un processus qui prend du temps. Il représente une révolution silencieuse, la partie immergée des réalisations des initiatives en transition.
Face aux résistances intérieures au changement, le mouvement propose plusieurs outils. Ainsi le café citoyen. Les participants forment des petits groupes autour de thèmes précis : l’alimentation, le transport, les politiques publiques… et sont invités à réfléchir à des solutions en cas de pénurie du pétrole. Cet appel à l’expressivité amène chacun à trouver ses propres arguments pour changer ses modes de vie. Car, un changement intérieur, pour qu’il soit réel, profond et dynamique, ne saurait être imposé de l’extérieur.
Une autre clé est dans le développement d’une vision positive de l’avenir, de la convivialité, du côté festif d’un mouvement qui donne envie d’y participer. Les initiatives de transition sont soucieuses de ne pas tomber dans un discours pessimiste ou culpabilisant. L’enjeu est de sortir d’une logique de la peur en créant un récit, qui dépeint de la façon la plus détaillée possible un futur possible. Les réalisations concrètes : potager, compost, réseaux d’échanges… participent à l’élaboration de cette vision. Ce sont des lieux où se développent l’entraide et la convivialité et ces réalisations sont la preuve qu’autre chose est possible. Elles ôtent à la logique de consommation le monopole du réel et montrent comment une réalité différente peut être aussi, sinon plus, épanouissante. Les citoyens qui y participent se donnent un cadre alternatif dans lequel inscrire leur vie quotidienne et lui apporter un nouveau sens : vivre dans le respect de valeurs écologiques et sociales dans une perspective de bien commun assuré par une société plus durable.
Claire Wiliquet,
Claire Wiliquet est chargée de formation au Centre Avec (Bruxelles), centre de recherche en sciences sociales. Elle est diplômée en population et développement et en communication et information. Une version plus étoffée de ce texte, avec des références bibliographiques utiles, est disponible sur www.centreavec.be.
Notes
1 . Rob Hopkins, Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal, Écosociété, 2010.
2 . Cf. Xavier Leroy, Potagers collectifs : un panier de cultures…, Centre Avec, juin 2011.
3 . Nom porté par certains sous-groupes thématiques d’initiatives de transition.
Pour citer cette page
Claire Wiliquet, « Villes en transition : vers une économie conviviale », Ceras – revue Projet n°324-325, Décembre 2011. URL : http://www.ceras-projet.com/index.php?id=5387
Par Luc Semal et Mathilde Szuba
Luc Semal – Doctorant en Science politique au CERAPS (Lille II).
Mathilde Szuba – Doctorante en Sociologie au CETCOPRA (Paris I).
Publié par Mouvements, le 27 septembre 2010.
Changer le système ou changer les pratiques ? Selon Luc Semal et Mathilde Szuba, les promoteurs des Villes en transition renouvellent les réponses apportées à cette question en mêlant systématiquement à leur approche de la justice climatique l’échéance du pic pétrolier, peut-être déjà là. Ainsi, il ne suffirait pas de « revendiquer » mais nécessiterait de « s’y préparer » matériellement et psychologiquement. Mobilisant les concepts de résilience et de relocalisation, les transitionneurs, souvent proches du mouvement altermondialiste, seraient porteurs d’un nouveau projet « d’émancipation sous contrainte ».
Le sommet de Copenhague fut un retentissant échec institutionnel, dont nous n’avons sans doute pas encore tiré toutes les conséquences. Cela étant, il fut aussi l’occasion d’une importante mobilisation militante, dont la composition et les revendications témoignent d’une évolution sensible des relations entre le mouvement écologiste et le mouvement altermondialiste : deux mouvements qui ne se recoupent qu’en partie, mais qui semblent désireux de construire de meilleurs rapports de force pour faire aboutir des revendications et des ambitions communes. S’il est certain que le déplacement massif de militants altermondialistes à Copenhague a aidé à poser les fondations d’un dialogue constructif sur la question climatique (notamment autour des idées de justice climatique et d’inversion de la dette), il n’en demeure pas moins que l’approche écologiste et l’approche altermondialiste, tout en étant souvent complémentaire, diffèrent encore sensiblement sur plusieurs points – ce qui fut nettement observable dans les débats militants de décembre 2009. À ce sujet, les différents ateliers qui furent organisés dans le cadre du Klimaforum par les militants britanniques des Transition Towns se sont avérés particulièrement éclairants. Les transitioners ne se définissent généralement pas spontanément comme « altermondialistes ». Certes, leur approche de la question climatique, consistant à toujours la traiter conjointement à celle du pic pétrolier, les amène presque mécaniquement à développer un discours très critique de la mondialisation, ainsi qu’une réflexion radicale sur la nécessité des relocalisations. Mais l’importance prépondérante qu’ils accordent à l’effondrement économique et institutionnel que devrait entraîner le pic pétrolier, peut-être même à court terme, offre à leur approche de la question climatique un caractère original… Et même un caractère saisissant, sans doute à l’origine de l’important succès déjà rencontré, au Royaume-Uni et ailleurs, par ce tout jeune mouvement. Car cette manière de militer en regardant en face l’imminence des catastrophes conduit finalement les transitioners à militer différemment : avec les Villes en transition, militer c’est encore « revendiquer », bien sûr, mais désormais c’est aussi « se préparer », matériellement et psychologiquement, sur une base locale, avec toutes les bonnes volontés qui se présentent, pour mieux résister aux tourmentes imminentes.
C’est en 2005, dans la petite ville irlandaise de Kinsale, que sont nées les principales idées qui devaient ensuite donner naissance au réseau des Transition towns. Un professeur de permaculture [1] nommé Rob Hopkins, militant écologiste déjà conscient de la gravité du réchauffement climatique et de la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, entend parler d’un autre problème : celui du pic pétrolier, c’est-à-dire de ce moment peut-être proche à partir duquel la production mondiale de pétrole se mettra à décliner inévitablement d’année en année, quels que soient les efforts que nous tenterions pour en extraire davantage. Ce n’est pas la fin du pétrole, mais la fin du pétrole abondant et bon marché, ce qui est déjà bien assez pour gravement déstabiliser les équilibres économiques et institutionnels auxquels nous sommes habitués… Si la question climatique nous fait comprendre que nous « devrions » changer, celle du pic pétrolier nous fait comprendre que nous « devrons » changer, de gré ou de force, et peut-être à très court terme. Comment vivre, et d’abord comment se nourrir presque sans pétrole, non plus dans cinquante ans, mais peut-être dans cinq ou dix ans ? Avec quelques amis militants, le professeur de permaculture fait travailler ses étudiants sur un plan de descente énergétique pour la ville de Kinsale, de manière à imaginer avec eux comment cette petite ville pourrait réussir, à son échelle, « la » grande transition qui s’annonce vers le monde post-pétrole.
L’année suivante, Rob Hopkins retourne s’installer à Totnes, une ville de 9 000 habitants dans le Devon, au sud-ouest de l’Angleterre. Malgré sa petite taille, Totnes regorge de réseaux écologistes ou apparentés : on y trouve une école Steiner, plusieurs restaurants végétariens ou biologiques, le centre Ernst F. Schumacher qui poursuit les réflexions de l’auteur de Small is beautifull [2], un magasin de pompes funèbres écologistes… Avec son groupe d’amis militants, Rob Hopkins lance une campagne locale d’« éveil des consciences » (awareness raising) sur le pic pétrolier, en organisant notamment une série de conférences et de projections publiques de documentaires sur le sujet. Mais la rencontre ne prend pas fin lorsque le documentaire ou le conférencier s’arrête : au contraire, il est proposé aux spectateurs de prendre les choses en main en réfléchissant à ce que pourrait être une transition réussie à l’échelle de leur commune, et pour cela de former une « initiative de transition » chargée d’entamer la rédaction d’un plan de descente énergétique, en s’inspirant pour partie de ce qui s’était fait à Kinsale. Et à Totnes, l’expérience est un succès : des groupes de réflexion thématiques se forment sur l’alimentation, les transports, l’éco-habitat, la psychologie du changement… Le groupe local de transition parvient à ne pas apparaître comme un groupe écologiste supplémentaire dans une ville qui en comptait déjà tant, mais plutôt comme une plate-forme commune capable de fédérer toutes les expériences éparses pour proposer une « vision » alternative de ce que pourrait être Totnes en 2030, presque sans pétrole.
L’expérience acquiert une dimension supplémentaire lorsque, sur la base de ce qui s’est fait dans le contexte militant très particulier de Totnes, les militants les plus impliqués dans la transition parviennent à en tirer une méthodologie reproductible dans d’autres contextes et d’autres lieux. Élaborée collectivement, cette méthodologie est d’abord progressivement mise en ligne sur les sites des Villes en transition, puis publiée sous forme de guide, le Transition Handbook [3], qui explique pourquoi et comment lancer une initiative de transition chez soi. Entre-temps, par bouche-à-oreille militant et par ouï-dire médiatique, plusieurs autres groupes locaux de transition s’étaient déjà formés dans d’autres villes du Royaume-Uni. Ces groupes étaient une cinquantaine à s’être manifesté auprès des animateurs du réseau en 2008. Ils sont aujourd’hui environ 300, à des stades d’avancement très variés. Désormais, la tendance est également à l’internationalisation du mouvement : très vite, quelques groupes de transition se sont formés dans d’autres pays anglophones comme les États-Unis, l’Australie, l’Irlande, le Canada, la Nouvelle-Zélande… Puis des groupes sont aussi apparus dans des pays non-anglophones, parfois en lien avec la traduction du Transition Handbook, soit en ligne sur internet, soit publiée sous forme de livre comme cela s’est déjà fait en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, etc. [4] Le cœur du réseau, toujours basé à Totnes, fournit conseils et formations aux militants désireux de se lancer dans la transition, mais n’interfère quasiment pas dans la vie des groupes locaux, restant ainsi fidèle à l’un de ses principes fondateurs : « let it go where it wants to go », laisser le groupe évoluer comme il l’entend, sans chercher à lui imposer une orientation particulière.
Ce qui fait l’unité du réseau des Villes en transition est donc moins sa structure officielle, qui reste assez modeste, que l’adhésion des groupes locaux aux quelques principes de base qui font l’originalité et la force de ce mouvement. Et ce qui donne le ton général du réseau des Villes en transition, c’est en premier lieu l’importance accordée à la thématique du pic pétrolier : toutes les controverses ne sont pas closes au sein du réseau, notamment quant à la date et à la gravité de ce pic, mais il y a néanmoins quasi-consensus sur le fait que le pic peut être imminent, voire que nous l’aurions déjà dépassé depuis 2008, et qu’en tout cas il est plus que temps d’engager la transition. Ce sentiment d’urgence radicale a conduit les Villes en transition à développer une approche très particulière de la question, qui transparaît nettement dans les propositions formulées.
D’abord, il y a la relocalisation – ou plutôt les relocalisations, tant les Villes en transition se sont fait une spécialité de décliner cette thématique à une grande variété de domaines : l’agriculture, priorité des priorités (par exemple en plantant des arbres fruitiers dans les lieux publics), mais aussi l’économie (avec des expériences de monnaies locales comme la Livre de Totnes), l’énergie, la démocratie, l’éducation, le tourisme, la santé… Les transitioners insistent volontiers sur les bénéfices humains que représentent ces relocalisations, notamment en termes de solidarité, de convivialité, d’autonomie, etc. Mais ils gardent toujours en mémoire que ces relocalisations ne sont pas entièrement un choix, et qu’elles sont aussi une forme de destinée liée à la fin du pétrole abondant et bon marché. Une autre source d’énergie abondante et bon marché pourrait-elle prendre le relais ? Non, répondent globalement les transitioners, car le pétrole est d’une densité énergétique et d’une maniabilité sans égales : si, en théorie, les énergies renouvelables semblent pouvoir assurer une consommation énergétique modérée, c’est ici le temps qui manque cruellement pour que cette transition s’opère totalement sans heurt. Par la force des choses, le rythme des relocalisations risque donc d’être sensiblement plus rapide que celui que nous aurions choisi de notre plein gré, indépendamment du contexte du pic pétrolier.
C’est là qu’intervient une autre des notions centrales proposées par les Villes en transition : la résilience, entendue comme la capacité d’un ensemble ou d’un système à encaisser un choc exogène sans s’effondrer de manière chaotique, et même sa capacité à « rebondir » après ce choc pour aller de l’avant. L’idée de résilience a été utilisée dans de nombreux domaines, par exemple en psychologie pour désigner la capacité d’un individu à surmonter un traumatisme, en écologie pour décrire la capacité d’un écosystème à intégrer une espèce invasive, etc. Ici, le choc est évidemment le pic pétrolier, mais aussi, plus globalement, l’ensemble des crises qui y seront liées de près ou de loin : crise économique, inondations liées au réchauffement climatique, voire d’autres risques que nous n’aurions même pas encore imaginés. Le système qui doit se montrer résilient face à ces chocs est la « communauté locale » (local community), autrement dit l’ensemble des personnes qui habitent le territoire concerné (généralement la commune dans le cas des Villes en transition). Le principal objectif des groupes de transition est donc de « reconstruire la résilience locale » de leur commune, une résilience « collective » qui, d’abord, permettrait au groupe de ne pas s’effondrer en situation de stress alimentaire ou énergétique, et ensuite, d’essayer de construire des modes de vivre-ensemble désirables dans le contexte annoncé de l’après-pétrole.
Si les Villes en transition parlent volontiers de reconstruction de la résilience locale plutôt que de construction, c’est parce qu’ils estiment que les communautés locales étaient encore résilientes il y a seulement quelques décennies, avant que le pétrole n’ait bouleversé nos modes de vie. L’un de leurs exemples historiques favoris est la manière par laquelle le Royaume-Uni a su résister au blocus dont il était victime pendant la Seconde Guerre mondiale : du jour au lendemain, le pays entier a dû en revenir à une forme d’autosuffisance alimentaire, et cela ne fut possible que parce qu’il existait encore dans la population des savoir-faire aujourd’hui plus confidentiels, comme entretenir un potager, faire des conserves, élever des poules ou des lapins, réparer, coudre, bricoler… Le « ré-apprentissage des savoir-faire » est donc l’un des autres chevaux de bataille des Villes en transition, qui tentent de revivifier la vie locale en suscitant le partage de ces connaissances pratiques dans les écoles, dans les maisons de retraite, dans les associations locales, dans les kermesses, etc.
Clairement, les Villes en transition annoncent un autre monde – en insistant d’ailleurs sur le fait que, selon eux, cet autre monde adviendra bientôt, que nous le voulions ou non. La marge de manœuvre qu’il nous reste correspond surtout à notre capacité à reconstruire en urgence les résiliences locales, ce qui est quasiment un impératif de survie, et ensuite à notre capacité à inventer des modes de vie relativement désirables dans le cadre des limites non-négociables fixées par la perspective de l’après-pétrole. Sur cette question des limites, le discours de la transition entre souvent en résonance avec celui du mouvement pour la décroissance – la position de Rob Hopkins étant, par exemple, qu’une croissance (même verte) est désormais impossible, et que la solution réside plutôt dans ce qu’il appelle parfois « une renaissance économique sur une base locale ». Moins de biens, plus de liens…
Ce discours est évidemment très parlant pour quiconque s’intéresse aux thématiques de l’altermondialisme, et cela se sent nettement dans le profil des premiers groupes francophones à avoir manifesté de l’intérêt pour ce mouvement : on y retrouve des objecteurs de croissance, des militants d’ATTAC, des adhérents Verts, des écologistes radicaux, des associations plus installées comme les Amis de la Terre, etc. Des premiers débats tenus par ces groupes, ainsi que des échanges qui se sont tenus à Copenhague, il ressort que l’approche proposée par la transition ressemble en de nombreux points à ce qu’ils faisaient déjà dans leurs propres mouvements, mais avec en plus deux particularités qui bousculent les pratiques et les perspectives militantes auxquelles les altermondialistes et les écologistes sont habitués.
D’abord, il y a le fait que le discours des Villes en transition ne soit pas, à proprement parler, un discours de dénonciation. En privé, presque tous les transitionners sont très critiques à l’égard des choix effectués dans leur commune – par exemple lorsqu’on permet à un supermarché de se construire sur des terres agricoles, ce qui est à la fois contraire aux principes de relocalisation économique et de relocalisation alimentaire. Mais s’ils décident de militer contre ces choix, ils le feront généralement au sein d’une autre association que le groupe de transition, et certainement pas en son nom. Les activités des groupes de transition sont plutôt orientées vers la formulation de propositions positives, élaborées de manière aussi inclusive que possible, et cette logique les incite à éviter de nommer des ennemis. Cette stratégie est évidemment discutée au sein même des Villes en transition, puisqu’elle est parfois difficilement tenable face à des projets urbanistiques aberrants, mais elle fait globalement consensus : les Villes en transition ne doivent pas apparaître comme une force de dénonciation permanente, mais plutôt comme une force de proposition constructive. De ce fait, et quoi qu’en pensent en privé les transitionners, le mouvement ne se définit pas comme un mouvement anticapitaliste : sa position serait plutôt de dire que la question ne se pose pas en ces termes, mais qu’en revanche il serait intéressant d’envisager que le capitalisme ne puisse pas survivre à la fin du pétrole abondant et bon marché… La Transition ne s’interdit pas d’être anticapitaliste, mais elle ne se l’impose pas non plus. Cet exercice d’équilibre permanent entre ouverture et radicalité peut s’expliquer, entre autres, par le caractère local de la démarche des Villes en transition : dans une ville de 9 000 habitants comme Totnes, mieux vaut parfois une démarche fondée sur le dialogue qu’une hostilité franche et ouverte [5].
Il y a ensuite le fait que le discours des Villes en transition assume de n’être pas toujours prometteur d’émancipation. L’importance primordiale accordée à la question du pic pétrolier amène les transitionners à développer un discours où il est clairement annoncé que la transition à venir ne sera pas rose tous les jours. Pourtant, le mouvement des Villes en transition répète fréquemment qu’il a voulu rompre avec les attitudes dites « doom and gloom », glauques et apocalyptiques : la transition est un mouvement résolument optimiste… mais qui cherche aussi à construire son optimisme dans un contexte qu’il sait difficile. Là encore, l’équilibre est parfois difficile à tenir, tout en faisant globalement consensus. Cette approche à la fois catastrophiste et optimiste constitue une sorte de catastrophisme agissant, qui a permis aux Villes en transition d’aborder de front certains thèmes de réflexion délicats tels que celui du rationnement et de sa désirabilité, largement présent dans le deuxième livre publié par le réseau [6]. Dans l’approche proposée par les Villes en transition, le rationnement apparaît comme l’une des solutions les plus désirables pour partager équitablement l’énergie lorsqu’elle viendra à manquer, et il y a même de fortes raisons de penser que cette solution s’imposera à nous comme une évidence lorsque les premières pénuries se feront sentir [7]. Et de plaider en conséquence pour l’instauration de quotas individuels de carbone à l’échelle du Royaume-Uni, afin d’entamer dès à présent une décroissance énergétique nationale, coordonnée et cohérente…
Finalement, si la perspective proposée par les Villes en transition interroge notre approche de la question climatique, c’est entre autres parce qu’elle croise de manière intéressante la question de la technique avec celle de l’urgence écologique. Dans cette approche, la convergence du pic pétrolier et de l’impératif climatique nous rattrape au point que nous perdons partiellement la maîtrise de notre agenda : les technologies alternatives, par exemple en matière d’énergies renouvelables, ne sont pas prêtes alors que nous sommes peut-être à la veille de phénomènes d’emballement majeurs – crises énergétiques, crises économiques, crises politiques, etc. Cette situation nous impose la question du « consommer autrement », certes, mais aussi celle du « consommer moins », autrement dit de la sobriété collective. Comment l’organiser ? Qui doit consommer moins, et moins de quoi ? Cette approche invite à poser un regard neuf sur des questions telles que celle du pouvoir d’achat ou celle du partage des richesses – un peu comme y invite la décroissance, mais avec un autre vocabulaire et une autre méthode. En cela, les Villes en transition contribuent à la réflexion collective sur les meilleures manières de nous préparer, psychologiquement et matériellement, à une diminution de nos consommations dans les années à venir : ce n’est pas seulement le système qu’il faut changer, mais aussi nous-mêmes.
Saviez-vous qu’on anticipe des émeutes de la faim, en ce début du 21 ° siècle, dans la 6e économie mondiale, et que des villes importantes estiment que les crises énergétiques à venir auront des conséquences locales majeures, et s’y préparent ?
Cette note présente le « Bristol Peal Oil Report » [1], un document officiel d’une ville anglaise de 430.000 habitants publié récemment (2009). Après une exposition du contexte de ce rapport, son contenu est présenté sommairement, et l’on essaie ensuite de montrer les profondes différences d’appréciation de la situation énergétique mondiale entre le France et l’Angleterre.
Contexte
Anciens exportateurs d’hydrocarbures, les Britanniques voient leurs champs de pétrole et de gaz de la mer du Nord décliner depuis 10 ans. L’information concernant l’état des réserves de pétroles mondiales est largement relayée par la presse, alimentant le débat public, renforçant la lutte contre le réchauffement climatique
Au plus haut niveau sont écrits des rapports sur le ‘peak oil’ et ces possibles conséquences économiques et sociales [2]. Les Anglais investissent par ailleurs massivement dans des sources d’énergie non fossile, dans les transports collectifs et vélos, etc. Ils ont introduit une taxe carbone, et prennent en compte le carbone contenu dans la commande publique.
Au niveau local se met en place un réseau de ‘villes en transition’ [3], regroupant plus d’un millier de villes, quartier ou district, destinés à renforcer la résilience de ces communautés, c’est-à-dire leur capacité à résister à un choc externe. Certaines sont de véritables laboratoires, expérimentant des monnaies complémentaires, des cartes de rationnement ou de nouvelles techniques agricoles.
Bristol s’inscrit dans ce mouvement de ville en transition. La taille de la ville, son importance économique et la qualité de son rapport en font un bon exemple de ce qui se passe outre-Manche et du niveau de prise de conscience des problématiques énergétiques.
« Peak oil Report – Building a positive future for Bristol after Peak Oil »
Ce rapport de 100 pages, publié il y a quelques mois par le conseil municipal de Bristol, commence par expliquer en quoi le pétrole est important, et les raisons qui font qu’il va devenir de plus en plus rare et cher. Il cite les études de l’Agence Internationale de l’Énergie [4], des agences nationales, de Total, Shell ou Aramco, explique qu’il n’y pas d’alternative au pétrole disponible suffisamment rapidement, et rappelle le lien avec le réchauffement climatique.
Le rapport synthétise ensuite les vulnérabilités de Bristol au Peak Oil, telles que la hausse du prix des transports et de l’alimentation, les risques de ruptures en alimentation ou en médicaments, le ralentissement économique lié au renchérissement des matières premières et des transports, l’impact sur les services publics dépendant du pétrole (police, collecte des ordures, …) ou de son prix (chauffage des bâtiments, coûts des réparations,..), etc…
Le chapitre suivant étudie les possibles conséquences sociales, citant les exemples de paniques intervenus lors de précédentes ruptures d’approvisionnement, l’augmentation des inégalités, l’impact sur l’emploi (rappelant que chaque choc pétrolier a été suivi d’une augmentation du chômage), le resserrement du crédit (credit crunch). Il cite le modèle de Ayres, qui lie l’évolution du PIB au prix de l’énergie [5]. Le chapitre conclut par la nécessité d’augmenter la résilience de la ville au Peak Oil.
Le rapport traite ensuite des transports, notamment l’accès aux magasins et aux lieux de travail, l’efficacité énergétique des moyens de transport, l’importance des vélos, la très grande vulnérabilité du transport aérien. Suit une liste de propositions ambitieuses, mais globalement classiques.
Le chapitre suivant, concernant l’alimentation, rappelle l’importance du pétrole pour produire la nourriture (engrais, mécanisation, transport, stockage réfrigéré …) et les risques importants de crise alimentaire. Il propose des actions telles que relocaliser les productions alimentaires, produire de la nourriture dans la ville, former les citoyens à produire et stocker les aliments, former les agriculteurs à des types de production moins dépendante du pétrole…
La vulnérabilité du système de santé à des coupures d’approvisionnement est ensuite analysée, ainsi que l’impact du prix de l’énergie. Sont proposées entre autres une relocalisation des soins, une adaptation des pratiques médicales, l’information des citoyens.
Le chapitre suivant traite des services publics (police et pompiers ont besoin de pétrole, il en faut aussi pour le bitume …) , l’impact de l’inflation et du prix du pétrole sur les ressources publiques, l’action sociale, le nombre de crimes et délits, … . Bristol prévoit d’augmenter les surfaces maraichères, réduire l’énergie nécessaire à collecter et traiter les ordures, préparer des procédures et des lieux d’accueils d’urgences (par exemple en cas de crash économique), constituer un stock de pétrole municipal,…
L’économie est le thème suivant, dans lequel les vulnérabilités de chaque secteur sont analysées, pour cause de pétrole cher, difficulté de transport et d’approvisionnement, resserrement du crédit, volatilité des prix, …. Parmi les actions proposées, notons l’introduction d’une monnaie locale, la relocalisation des approvisionnements, l’amélioration des transports publics.
Le dernier chapitre est consacré à la production et aux consommations d’énergie, par exemple l’énergie nécessaire à pomper et purifier l’eau potable. Parmi les actions, favoriser la sobriété énergétique et en eau, micro-génération à partir de biomasse, méthanisation des déchets, …
La 3e partie synthétise une centaine d’actions possibles pour minimiser les vulnérabilités de Bristol au peak oil, et les indicateurs pour suivre ces actions. Cette partie est pour l’essentiel traduite à la fin de cette note.
Le rapport est précédé d’un résumé pour décideur, et suivi d’annexes pédagogiques expliquant les problématiques énergétiques ( Peak Oil, énergies alternatives, ressources nationales) et présentant ce qui se fait ailleurs (notamment à Portland, USA).
‘Résilience’ versus ‘Développement Durable’
Ce rapport illustre la différence de niveau de conscience de la réalité du pic de production du pétrole entre Britanniques et Français. En France par exemple les scénarios de politique publique (transports, aménagement urbain ou territorial …) ne prend pas en compte explicitement l’hypothèse d’une hausse rapide du prix de l’énergie, pas plus que les plans climats territoriaux ne s’intéressent aux conséquences locales de la réduction des stocks d’hydrocarbures, qui est pourtant la contrepartie de l’augmentation du CO2 atmosphérique.
‘Résilience’ d’un côté de la Manche, ‘développement durable’ de l’autre côté : tandis que les Anglais estiment que les alternatives au pétrole sont loin d’être prêtes industriellement et se préparent à une ‘descente énergétique’ subie, nous mettons beaucoup d’espoirs dans des révolutions technologiques à venir pour maintenir la croissance. Alors que nous planifions pour réduire vertueusement nos émissions de gaz à effet de serre, ils planifient pour assurer leur sécurité alimentaire et la survie du système social.
Les britanniques et les villes en transition nous montrent qu’une démocratie peut se préparer à des changements profonds et des risques majeurs, en expliquant sans démagogie les contraintes aux citoyens, et en les impliquant pour maintenir l’essentiel.
Espérons que ce réalisme anglo-saxon inspirera les politiques de nos villes et l’action citoyenne dans les prochaines années.
Thierry Caminel, Ingénieur
Traduction (rapide et partielle) de la 3e partie du rapport 2009 de la ville de Bristol
Introduction
Cette section offre des options d’actions concrètes qui pourraient être prises dès maintenant afin de réduire la vulnérabilité de Bristol au pic pétrolier. Les options sont données en réponse aux vulnérabilités identifiées dans la partie 2.
Les options sont dirigées par l’ensemble suivant de paramètres:
Options pour l’action
Idées à considérer :
La planification de la ville
Atténuation de l’urgence
Planification urbaine
[…]
Transport et Mobilité
Construire la résilience des communautés et protéger les personnes vulnérables
Construire un système alimentaire durable
Construire une économie durable